Buvards bavards
Les buvards m’ont toujours fait rêvasser.
Je n’écris plus avec une plume Major, depuis belle lurette, et mon stylo plume moderne ne pleure plus sur le papier, mais j’ai toujours la nostalgie de ces rectangles mystérieux qui pompaient le trop-plein.
Certains étaient publicitaires, mais je les dédaignais, car ils occultaient le secret que l’on pouvait découvrir dans ces tamponnages exécutés d’un geste rêveur, ou dolent, parfois rageur, souvent automatique
Que de fois à l’aide d’une glace dans mes jeunes années, j’ai déchiffré les arcanes de ceux que je pouvais avoir sous la main, dont je me sentais la seule détentrice initiée, pour les faire parler….
Si cela ne donnait pas toujours un sens aux mots dévoilés, ils avaient cependant été emprisonnés là,
dans toute leur vérité.
Parfois, le buvard avait servi à plusieurs scribans, des mélanges hétéroclites d’écritures s’enlaçaient voluptueusement.
Plus sophistiqué j’aimais aussi le tampon buvard, digne de grands scribouillards.
Mais sur mon petit bureau d’écolière je n’avais que du buvard ordinaire.
Souvent rose, parfois beige ou gris clair.
J’aimais cette sensation de douceur lorsque l’on passait la main dessus.
Résurgence de souvenirs qui semblent désuets .
Le Bic ne bave pas, mais souvent exsude sa moelle, dans des poches,
oubliés par les étourdis.
Alors point de buvard pour tempérer la catastrophe.
Sur une page Word aujourd’hui on efface facilement avec les touches tactiles,
mais la caresse originelle n’y est plus.